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SLC … Salut les copains ?

Non, soleil lune et croix. Le symbolisme est tellement universel qu’on s’attend à les retrouver partout. Mais spécifiquement ici ?

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Église St Jacques des Guérets – Fresques : via elfeviviane.canalblog.com

« La crucifixion : le Christ est représenté sur une croix patttée, mi partie émeraude, mi partie noire, ornée de cabochons : la Vierge et Saint Jean se tiennent de part et d’autre ; dans la partie supérieure, la lune et le soleil se voilent la face tandis que les nuées envahissent le ciel. »

« Dans l’iconographie, le soleil ou la lune, portés par des anges symbolisent régulièrement la résurrection. A Chartres, les deux clochers portent à leur sommet, l’un, au nord, un soleil (le Christ), l’autre au sud, une lune (la Vierge). Je n’avais en revanche jamais vu, jusqu’à présent, le soleil et la lune représentés en tant que personnages, tant cela me semblait relever du polythéisme. »

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Une fresque classique avec le Christ, St Jean, Marie, le Soleil et la Lune d’un cloitre du Puy en Velay : via zanoni.canalblog.com

« Avant de repartir vers de nouveaux voyages dont les centres d’intérêts seront le pentagramme, le nombre d’or et le fameux monogramme AM qui est une forme d’énnéagramme déguisé, je reviens sur l’iconographie chrétienne et les représentations du Soleil et de la Lune qui sont, si je ne me trompe, toujours disposé de la même façon, le soleil à gauche et la lune à droite (pour celui qui regarde). Ceci est particulièrement visible sur l’iconographie classique des instruments de la passion où la croix est surmonté des deux luminaires…  »

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Monastère de Visoki Decani (Kosovo) – Crucifixion : via electra2zeiss.tonempire.net

« Les deux objets près de la croix sont une représentation anthropomorphique du Soleil et de la Lune montrée de la façon presque le même dans beaucoup d’autres Crucifixions byzantines. »

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Basilique St Denis à Paris – cristal gravé : via commons

Pour la suite, bien sûr, Fulcanelli est passé par là.

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Cathédrale Notre Dame de Paris, médaillon du soleil et de la lune ou le couple vice – vertu : foi et idôlatrie via hermetism.free.fr

« Fulcanelli a un commentaire laconique (cliquer sur le lien) pour ce médaillon : … nous trouverons, en sixième lieu, la Philosophie, dont le disque porte l’empreinte d’une croix. C’est là l’expression du quaternaire des éléments et le manifeste des deux principes métalliques, soleil et lune, – celle-ci, martelée, – ou soufre et mercure, parents de la pierre, selon Hermès »

« Le soleil et la lune, situés de part et d’autre de la croix, rappellent plus précisément la crucifixion du Christ et l’extinction des deux luminaires qui suivent sa mort. »

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Miniatures provenant d’une recherche « soleil lune croix » sur le net.

Ainsi la sculpture, les monnaies, les tatouages, la ferronnerie, l’ivoire … s’emparent du thème à l’infini. Doit-on dire que l’association avec la crucifixion est venue en premier, je ne saurais m’avancer. Les images appartiennent à leurs propriétaires respectifs.

Update en guise de P.S.

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Clocher d’une église à Remiremont via LaChan sur Flickr

P.S. dans un évangéliaire, personnages or et argent :

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Te igitur (clementissime Pater, per Jesum Christum)

Et :

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Herrad von Landsberg, Hortus Deliciarum, Die Kreuzigung Jesu Christi, circa 1180

On n’a pas attendu Dali et les surréalistes pour voir l’anecdotique le disputer au merveilleux. Ici une bête tétracéphale (les évangélistes), des tombeaux ouverts, le rideau du temple déchiré en trois endroits &c.

Et encore un ange avec un démon …

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Bramantino, crucifixion, c. 1515, Pinacoteca di Brera

Post P.S.

J’agrandis l’œuvre déjà exposée en miniature ci-avant. C’est une descente de croix où les soldats n’ont pas fini de se partager la tunique du Christ (unité qu’on trouve plutôt dans une crucifixion). De plus, un ange vient toucher la tête d’un des personnages.

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Antelami, Benedetto, Descent from the Cross, 1178, Marble, 102 x 213 cm, Duomo, Parma

On ne me la fait pas, même les alchimistes s’en mêlent :.

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Le Miroir Alchimique: MAGOPHON Hypotypose du Mutus Liber, 1914 (via /le-miroir-alchimique.blogspot.fr ; voir aussi la planche 3)

« La neuvième planche nous ramène au flos coeli. Pourquoi ce retour, et à quoi bon y recourir de nouveau, puisque nous nous en étions approvisionnés ? Ce n’est pas que l’auteur du Mutus Liber veuille nous renvoyer à la campagne pour en avoir d’autre ; mais il était bien obligé d’en répéter le symbole, du moment que cet agent céleste doit entrer dans une nouvelle combinaison. »

Et …

Tout s’éclaire quand on se rappelle que les astres ont leur marche dirigée par une certaine classe d’anges, comme dans ce manuscrit.

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– Pucelle, Jean, Book of Hours of Jeanne d’Évreux, 1325-28, Manuscript (Acc. 54), 94 x 64 mm, Metropolitan Museum of Art, New York

Dürer est de ceux qui ont le mieux ressenti la puissance des symboles anciens :

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– Dürer, Albrecht, The Large Passion: 6. The Crucifixion, 1498, Woodcut, 39 x 28 cm, Graphische Sammlung Albertina, Vienna

Sainte Larme (V)

Conclusion

Je me permets d’ajouter mon commentaire à la conclusion de cette exploration d’une période révolue. L’auteur d’un site sur Marie-Madeleine nous confie :

« Et j’ai compris que Marie-Madeleine représentait tout ce qui est le « contenant » de l’Esprit, puisqu’elle est aussi l’Esprit Saint: le Saint de l’Esprit…

Ainsi elle est la Lumière, la Déesse, la Source, l’Emanation, la Mère, l’Eglise, l’Epouse, l’Ame, l’Esprit Saint, la Sagesse, Hokhmah, le Paraclet, l’Evangile, le Buisson Ardent, la Nuée, le Tonnerre, l’Arche, le Temple, la Shekinah, Epinoïa, le Pneuma, la Colombe, la Gnose, la Vigne, l’Eau Vive, la Materia Prima, la Vierge Noire, l’Humide, la Rosée, la Larme, la Myrrhe, l’Enceinte, l’Enthousiaste, la Sibylle, le Graal, le Corps du Christ, la Manifestation, la Beauté, la Vie, Eve… Mari Amen, Mariamne.

… Femme, Fiancée, Épouse, Colombe, Aimée, Vigne, Brebis, Cité, Tour, Colonne, Firmament, Maison, Temple, Corps du Christ, Filet, Cène. » [magdala.over-blog.net]

La tradition et la gnose s’accordent ainsi à identifier Marie la Magdalénienne à un parèdre divin.

Pas étonnant donc que la sainte Larme lui soit confiée : invoquée pour apporter la pluie et rendre la vue, symbole de vie et de lumière. Madeleine a aussi lancé la coutume des oeufs de Pâques en en offrant un, rouge, à l’empereur Tibère. Ses reliques sont transférées de Constantinople à St Jean de Latran à Rome : là où la sainte Larme devait la rejoindre.

Qui a gagné, dans la controverse entre Thiers et Mabillon, le curé s’estimant lésé et le moine défendant la tradition ? La réponse de Thiers est publiée à Cologne, signe qu’il a un peu perdu du terrain face à une congrégation, les bénédictins de St Maur, établis à St Germain-des-Prés et bien vus à la Cour. On est en 1700 : la relique de la Sainte Larme ne durera pas un siècle de plus, la Révolution est passée par là. L’abbaye de Vendôme, elle, servira de garnison pendant des décennies, ce qui en a conservé une bonne partie. Mais que tous ces souvenirs sont fragiles!

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Vase en cristal de l’époque du cardinal de Richelieu

Défendant la tunique d’Argenteuil, un autre souvenir du Christ, Robert Wyard écrit :

« Et Mabillon ajoute sans embarras et sans fausse piété, avec la sincérité d’un croyant et une bonne foi qui ne déplaît pas sous la plume du plus savant des moines : « Quand il serait vrai que ces reliques ne seraient pas tout à fait certaines, elles peuvent mériter quelque honneur par rapport à la personne à qui on les attribue, parce que encore qu’elles ne fussent pas en effet véritables, elles sont en quelque forme les mêmes choses que les véritables. »

Un siècle naturaliste et sceptique, comme le nôtre, est peut-être mal préparé à revevoir d’aussi naïves leçons, mais prenons garde à ne pas céder à toutes ses exigences et aux scrupules pharisaïques qui les inspirent ; on commence par repousser la légende et on conteste ensuite la tradition ; bientôt on cesse de croire au mystère nécessaire du salut. »

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Procession des reliques de Ste Thérèse de Lisieux à Londres

Bibliographie

Sauf précision, les documents sont consultables en ligne sur gallica.bnf.fr ou books.google.com.

  • Ch. Métais, Cartulaire de l’abbaye cardinale de la Trinité de Vendôme: publié sous les auspices de la société archéologique du Vendômois, Alphonse Picard et fils, Paris, 1891. En ligne sur archive.org.

– Recueil d’actes touchant la vie de l’Abbaye dès le XIIe siècle : guérison d’aveugles, offrandes votives &c.

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Extrait du Cartulaire de Vendôme : guérison de Jean Gras, cité par Mabillon

– Légendes sur la vie des saints, composées au XIIIe siècle.

  • X., Histoire véritable de la Sainte Larme que N. Seigneur pleura sur le Lazare, Sébastien Hyp, Vendôme, 1669

– Cet ouvrage inclut le petit Office de la sainte Larme, approuvé à Chartres en 1656, et la Messe votive de la sainte Larme.

  • Eusebii Romani sive Johannis Mabillonii [Jean Mabillon], Ad Theophilum Gallum Epistola de cultu Sanctorum ignotorum, Guilielmi Broedelet, Paris, 1705

– Mabillon critique le culte des saints inconnus – ouvrage publié en 1698.

  • Jean-Baptiste Thiers, Dissertation sur la sainte larme de Vendôme, chez la veuve de Claude Thiboust, Paris, 1699

– Pamphlet contre les bénédictins de l’abbaye de Vendôme

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Vendôme – Eglise de la trinité – Les Stalles, fin du XVe siècle – Les Signes du Zodiaque « Les Géneaux » Côté gauche

  • Jean Mabillon, Lettre d’un Bénédictin à Monseigneur l’Evesque de Blois, Touchant le Discernement des anciennes Reliques, au Sujet d’une Dissertation de Mr Thiers, contre la Sainte Larme de Vendôme, Pierre de Bats, Paris, 1700

– Défense des bénédictins de l’abbaye de Vendôme. À la lettre sont joints les Memoires, Pour servir d’Eclaircissement à l’Histoire de la Sainte Larme de Vendôme.

  • Jean-Baptiste Thiers, Reponse a la letre du pere Mabillon touchant la pretendue sainte Larme de Vendome, par M. Jean Batiste Thiers, docteur en theologie, & curé de Vibraie, chez les Heritiers Corneille d’Egmond, Cologne, 1700

– Pamphlet contre Dom Mabillon et les bénédictins.

  • Denis Diderot et Jean le Rond d’Alembert, Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Briasson, Paris, 1751

– Article Vendôme, par Louis de Jaucourt.

  • Abbé Simon, Histoire de Vendôme et de ses environs, Volume 2, Henrion-Loiseau, imprimeur-libraire, Vendôme, 1834
  • Robert Wyard, Histoire de la Sainte Tunique d’Argenteuil : ms. inédit d’un bénédictin de Saint-Maur, Victor-Havard, Paris, 1894
  • Abbé Plat, L’église primitive de la Trinité de Vendôme, in Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois, Devaure-Henrion libraire, Vendôme, 1925

– Fouilles montrant l’étendue de l’église romane et la présence d’une fondrière ou d’un puisard qui devait être à fleur de sol à l’époque.

  • René Crozet, Le monument de la Sainte Larme à la Trinité de Vendôme [article du Bulletin Monumental Année 1963 Volume 121 Numéro 2], Société Français d’archéologie, Paris,1963. En ligne sur http://www.persee.fr.

– description de l’armoire de la relique de Vendôme.

  • Isabelle Isnard, La sainte Larme de l’abbaye de la Trinité de Vendôme : Architecture, décor et mobilier liturgique, Revue Mabillon (t. 20), 1981. En ligne sur http://www.brepolsonline.net.

– Rappels historique, éléments des reliquaires et de l’armoire.

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Juan d Flandes = La resurreccion d Lazaro : Sclo XV.XVI.

La sainte Larme : Résumé et personnes

Histoire (I)

Histoire (II)

Lieux & objets

P.S. :

Que des anges recueillent le sang s’échappant des plaies du Christ en croix, c’est un exemple attesté dans l’iconographie. À partir de là aussi peut-être le mythe fait son chemin.

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Bonaventura Berlinghieri, Madonna and Child with Saints and Crucifixion, 1260-70, Tempera on wood, 103 x 122 cm, Galleria degli Uffizi, Florence

Par ailleurs on a beaucoup parlé de la réaction du Christ – les larmes, – mais celles des autres protagonistes de la première résurrection sont analysées dans cet article : La puanteur du ressuscité, Odeurs lazaréennes [portfolio], Pierre-Olivier Dittmar,
terrain.revues.org/16050

– Duccio di Buoninsegna, The Raising of Lazarus via Wikimedia commons

La douleur reste réelle.

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– Jan Lievens, Lazarus, 1631

Sainte Larme (IV)

Lieux, objets et coutumes

  • Ephèse : ville d’Asie Mineuse, aujourd’hui Selçuk, où s’élevait un sanctuaire à Cybèle, puis le temple d’Artémis, l’une des sept merveilles du monde, incendié deux fois. Les ossements de Madeleine y sont peut-être, selon les Grecs orthodoxes.
  • Béthanie : ville de Judée, aujourd’hui El Azariyah, où demeurait Lazare.
  • Freising : ville de Bavière, fondée par l’apôtre Corbinien (natif de St-Germain-les-Arpajon, connu pour avoir domestiqué l’ours qui avait mangé son âne), ancien siège du diocèse de Munich.

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L’église de Freising (Bavière)

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Arpajon (Essonne)

  • Vendôme : sous-préfecture du Loir-et-Cher, sur le Loir et sur la route de Compostelle.

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Vendôme – l’église et l’abbaye de la Trinité

  • Vibraye, commune de la Sarthe à huit lieues de Vendôme.

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Carte du Vendômois

Vendôme, avant de dépendre du nouvel évêché de Blois à l’époque de la controverse, dépendait de Chartres.

  • Église de la Trinité de Vendôme, gothique flamboyant. L’abbé de la Trinité porte le titre de Cardinal de St Prisce (église romaine, sur l’Aventin), titre qu’a aussi porté Angelo Roncalli, futur pape Jean XXIII.

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Vendôme – Ancienne Église Saint Martin, tombant en ruines, elle fut abattue en 1857

Le clocher subsiste. L’abbaye de la Trinité est à l’arrière-plan à droite.

  • Armoire sculptée de la sainte Larme – il reste des descriptions et une gravure par Roger de Gaignières.

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Tympan de la Sainte Larme – Madeleine est au centre, Lazare à ses pieds

 

  • Châsse de la sainte Larme – disparue.
  • Sainte Larme : autrefois conservée à l’église de la Trinité, invoquée pour apporter la pluie et rendre la vue, elle se présente sous la forme d’un fragment de cristal de roche au centre duquel se trouve une goutte transparente conservée dans une ampoule de cristal – disparue.

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Cristal présentant une inclusion

On peut entre autres supposer qu’un cristal taillé a pu donner l’impression de deux vases l’un dans l’autre :

« Le premier vase qui paroït aux yeux de ceux qui adorent ce divin Reliquaire, semble être de couleur de corne, & le secons qui est enfermé dans celuy-cy, paroît de couleur bleuë : mais tous deux sont d’une nature si exquise, que les Lapidaires les plus experts, aprés les avoir long-temps considerez, ont confessé ingenuëment, qu’ils ne connoissoient point la matiere dont ils étoient faits, et qu’elle avait été prise dans le Ciel & non sur la terre. En effet ce n’est ny verre, ny cristal, ny pierre, ny aucun metal ; & ce qui rend la chose plus admirable, c’est qu’on ne decouvre au premier Vase ny vestige, ny fracture par où l’on puisse s’imaginer que le petit Vase contenant la Sainte Larme ait esté mis dedans. »

  • Saintes Larmes recensées en France, existantes ou non : Saintes Larmes de Chemillé (Maine-et-Loire), Allouagne (Pas-de-Calais), Selincourt (Somme), Thiers (Puy-de-Dôme), Sainte-Marie-Madeleine à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var), St-Pierre-du-Puellier à Orléans (Loiret). Thiers cite dans sa dissertation : S. Maximin en Provence, Thiers en Auvergne, S. Pierre le Puellier à Orleans, S. Leonard de Chemillé …

 

  • Vendredi du Lazare : le vendredi qui précède le dimanche de la Passion (Pâques), et où on lit l’évangile de Lazare, promesse et symbole de la résurrection du Christ.
  • Dimanche de la Trinité : dimanche qui suit la Pentecôte, c’est-à-dire le huitième dimanche après Pâques, entre mi-mai et mi-juin.
  • Nativité de S. Jean-Baptiste : 24 juin.

 

La sainte Larme : Résumé et personnes

Histoire (I)

Histoire (II)

Lieux & objets

Conclusion et bibliographie.

 

Médiagraphie :

Gallica, Google Books, delcampe.fr, Geoportail …

Sainte Larme (III)

Histoire (II)

1700 : Jean Mabillon, bénédictin de l’ordre de St Maur, répond au sieur Thiers avec une lettre à l’évêque de Blois. Sa réponse est peut-être une commande de son ordre pour lui permettre de se racheter d’avoir écrit contre la vénération des reliques des saints anonymes dans les catacombes de Rome. Il reconstruit une histoire différente en lien avec la châsse de la relique, qui provenait de Nitker, évêque de Freising en Bavière.

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Jean Mabillon, Lettre d’un Bénédictin à Monseigneur l’Evesque de Blois, Touchant le Discernement des anciennes Reliques, au Sujet d’une Dissertation de Mr Thiers …

« Mais que pour satisfaire la passion violente qu’il a de décrier une Relique, ou plûtost ceux qui en sont les depositaires, il mette en usage des regles & des principes, qui tendent à rejetter les Reliques les plus certaines ; qu’il donne pour modelles à un illustre Prelat comme vous, Monseigneur, des exemples de Saints qui ne prouvent rien moins que ce qu’il pretend ; qu’il employe d’un ton serieux les saillies d’un Libertin & d’un Bouffon contre les Reliques, ou pour mieux dire contre toute l’Eglise ; enfin que sous le voile specieux de zele et d’amour de la verité & de la pureté de la Religion il debite une Satyre non-seulement contre une Abbaye particuliere, mais contre tout un Ordre, qui tient quelque rang dans l’Eglise ; c’est une chose qui a paru insupportable, & on auroit crû abandonner lâchement la cause de l’Eglise & de la Religion, si on avait laissé ce Libelle sans reponse. »

« … C’est pourquoi Innocent III, parlant de certaines Eglises qui pretendoient posseder le Prepuce de Nôtre Seigneur, aprés avoir rapporté le doute que l’on pourroit avoir si Notre Seigneur ne l’avoit pas repris à sa resurrection, il dit qu’il vaut mieux laisser cette discussion à la connoissance de Dieu, que d’en vouloir decider temerairement. »

« … Je ne veux pas dire pour cela, Monseigneur, qu’il faille approuver aveuglément les Reliques anciennes & le culte qu’on leur rend, sous la seule raison qu’elles sont anciennes. Si l’on a de bonnes preuves pour les rejetter, il faut le faire avec prudence. Si le culte qu’on leur rend est superstitieux ou excessif, il faut y donner de justes bornes. »

« … Ils ont reçû cette Relique de bonne foy comme veritable dés le premier tems de leur fondation. Leur Fondateur l’avoir reçuë de Henry I. Roy de France, ou de Henry III. Roy de Germanie, à qui elle avoit esté donnée par Nitkere Evêque de Frisingue, où elle avoit esté apportée de Constantinople. C’est ce que l’on éclaircira à la fin de cette Lettre. »

« Les premiers Religieux de cette Abbaye n’ont pas eu soin de mettre par écrit ce qui s’étoit passé dans la Translation de ces Saintes Reliques : Ils se sont contentez de représenter sur l’Arcade qui environne l’Armoire où se garde la Sainte Larmes, des Figures en bosse qui en marquent en quelque façon l’Histoire. »

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L’armoire de la Sainte Larme à Vendôme – dessin de Roger de Gaignières

1700 : Réponse de Thiers, publiée à Cologne.

« Je sai bien que je n’ai nul caractere, nulle mission, pour les redresser & leur faire connoître leurs égaremens. Aussi n’ai-je pas écrit ma dissertation pour eux. Je l’ai écrite pour l’instruction des peuples que Dieu a confiés à mes soins. Ma Paroisse n’est éloignée que de huit lieuës de Vendôme. Je la voyois presque deserte certains jours de l’année, & particulierement le Vendredy devant le Dimanche de la Passion, vulgairement apellé le Vendredy du Lazare. Le Dimanche de la Trinité, & les Dimanches suivans, jusqu’à la Nativité de S. Jean-Baptiste ; parce que la plus-part de mes Paroissiens s’en aloient ces jours-là à Vendome à Madame Ste. Larme, car c’est ainsi que les bonnes gens parlent dans la Province. »

« … & néanmoins S. François de Sales, comme je l’ai déja observé, temoigne que la Larme de Vendome n’est qu’un peu de Terre arrosée des Larmes que Jesus-Christ repandit durant les jours de la chair, ou dans le jardin, ou en Croix »

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Jean-Baptiste Thiers, Reponse a la letre du pere Mabillon touchant la pretendue sainte Larme de Vendome

1738 : Fin des processions annuelles en l’honneur de la Sainte Larme.

1751 : parution de l’Encyclopédie. Le chevalier Louis de Jaucourt écrit, à l’article Vendôme :

« Les écrits qui ont été faits dans le dernier siecle pour prouver la sainte larme de Vendôme, ne sont ni philosophiques, ni raisonnables. Je suis fâché d’y trouver celui du p. Mabillon en réponse à la dissertation de M. Thiers, qui démontroit la fausseté de cette relique, & en conséquence il en avoit demandé la suppression à M. l’évêque de Blois. »

1802 : La sainte Larme part pour expertise à Rome et est perdue depuis.

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Trajet de la Sainte Larme selon les bénédictins de Vendôme (sans l’épisode de Freising) : Béthanie – Marseille – Constantinople – Vendôme – Chelles – Vendôme – Rome (!)

XXe siècle : les historiens prennent en compte les documents existants, décrivant l’armoire qui contenait la châsse de la relique et la châsse elle-même, pour effectuer une critique renouvelée.

La sainte Larme : Résumé et personnes

Histoire (I)

Histoire (II)

Lieux & objets

Conclusion et bibliographie.

 

Médiagraphie :

Gallica, Google Books

 

Sainte Larme (II)

Histoire (I)

Vers 30-33 : Lazare, le frère de Marie (ou Marie-Madeleine, selon les évangélistes) et de Marthe, décède à Béthanie. Jésus, prévenu, pleure sur son ami avant de le ressusciter. Selon l’histoire publiée par les Moines de Vendôme, un ange recueille une larme dans un vase et le donne à Madeleine.

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Architect, French, Exterior view, 1170-1200, Photo, Pilgrim church, Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône)

V. 50 : Lazare, Marthe, Madeleine, Maximin &c. quittent la Palestine pour aborder aux Saintes-Maries-de-la-mer. Madeleine vit en recluse trente ans avant de confier la larme à Maximin, alors évêque. Selon la légende dorée :

« Maximin, l’un des soixante-douze disciples, Marthe, Lazare, Madeleine, Matille, servante de Marthe, Cédon [Célidoine], l’aveugle-né que Jésus-Christ avait guéri, et d’autres fidèles, furent mis par les païens sur un bâtiment sans voiles et sans gouvernail et livrés aux flots de la mer afin d’y périr ; mais la Providence voulut qu’ils arrivassent à Marseille … »

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Arrivée de Marthe en Provence – vitrail à Orsay (Essonne)

Après la chute de l’empire d’Occident (476) : Selon l’historien de la sainte Larme, les « Grecs », l’empire d’Orient, collectent peu à peu toutes les reliques saintes pour les entreposer à Constantinople.

v. 1040 : Geoffroy Martel crée l’Abbaye de la Trinité de Vendôme après avoir vu, avec sa femme Agnès, trois étoiles tomber dans une fontaine. Il obtient 25 moines bénédictins de l’abbaye voisine de Marmoutiers. La dédicace a lieu le 2 juin.

1040 : Geoffroy Martel acquiert la Sainte Larme pour services rendus en Sicile à l’Empereur de Constantinople et en fait don à l’abbaye de Vendôme.

1271 : L’abbé Renaud IV de Villedieu lance la construction d’une nouvelle abbatiale gothique en lieu et place de l’église romane.

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Abbaye de la Trinité de Vendôme

1428 : Louis de Bourbon, comte de Vendôme, capturé à la bataille d’Azincourt en 1415 et miraculeusement libéré d’Angleterre, inaugure une cérémonie où un cierge de 33 livres est offert à la sainte Larme de Vendôme le vendredi du Lazare (avant les Rameaux) par un prisonnier libéré.

« A peine le comte de Vendôme eut fait son voeu que Dieu exauça sa prière en lui rendant la santé et en le délivrant de la dure captivité à laquelle il avait été si longtemps réduit. Ce prince sortit de sa prison sans être aperçu de ses gardes, s’embarqua pour passer en France sans être reconnu ; et eut la consolation de revoir sa chère patrie et sa ville de Vendôme. Rapin-Toiras, dans son histoire d’Angleterre, racontant le fait dont je parle, dit que Louis de Bourbon gagna ses gardes à force d’argent, qu’ils le laissèrent sortir de sa prison sans l’arrêter, et que ce prince, arrivé à Vendôme, institua la cérémonie du Lazare, non pas pour remercier le Seigneur de sa liberté, mais pour faire croire au peuple que sa délivrance avait été miraculeuse … »

1562 : Par crainte des Hérétiques, sous le règne de Charles IX, la sainte Larme est transportée à l’abbaye de Chelles (S.-&-M.). Elle revient douze ans après.

« Le dernier de nos témoignages sera la translation de la sainte Larme à Chelles prés de Paris, & sa relation à Vendôme douze ans après. Cette translation se fit l’an 1562. à cause des troubles suscitez cette année-là en France par les Heretiques sous le regne de Charles IX. qui sortans du Puits de l’abîme, comme les sauterelles de l’Apocalypse, se répandirent par tout le Royaume, & y exercerent leur rage & leur furie, particulierement sur les lieux consacrez à Dieu, ruinant les Eglises, les Monasteres, renversant les Autels, profanant les lieux saints, & laissant partout des vestiges de leur cruelle impiété. »

« Le Cardinal de Bourbon, qui étoit pour lors Abbé de la Ste. Trinité, craignant qu’ils ne vinssent à Vendôme, & que la Ste. Larme ne tombât entre leurs mains sacrileges, la fit porter à Chelles prés de Paris, qui est un beau Monastere des Filles de l’Ordre de S. Benoist, dont une de ses soeurs était abbesse … »

1699 : Jean Baptiste Thiers, docteur en théologie et curé de Vibraye, outré de voir ses paroissiens déserter l’église pour les cérémonies de Vendôme, publie une dissertation où il met en cause l’historicité de la Sainte Larme et de nombre de reliques.

« VI. On n’a nulle preuve que la Larme de Vendôme soit demeurée à Aix après la mort de saint Maximin, jusqu’au temps du Grand Constantin.

VII. Ni l’Histoire Ecclésiastique, ni les Martyrologes ne nous disent point qu’on ait transféré une des Larmes de Notre-Seigneur d’Aix à Constantinople. Cette translation est de l’invention des Moines de Vendôme, & à quel dessein ?

VIII. Deux irruptions des Sarrazins en Sicile, l’une en 1039, & l’autre en 1040.

IX. Le voyage de Constantinople que l’on fait faire à Geoffroy Martel pour apporter en France la Sainte Larme, est imaginaire. »

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Jean-Baptiste Thiers, Dissertation sur la sainte larme de Vendôme, chez la veuve de Claude Thiboust, Paris, 1699

« Falsitas tolerari non debet sub velamine pietatis » : on ne doit pas tolérer de faussetés sous le voile de la piété.

 

La sainte Larme : Résumé et personnes

Histoire (I)

Histoire (II)

Lieux & objets

Conclusion et bibliographie.

 

Médiagraphie :

Gallica, Google Books & Maps

Sainte Larme

 Résumé

Vers l’an 33, Lazare, le frère de Marie et de Marthe, décède à Béthanie. Jésus, prévenu, pleure sur son ami avant de le ressusciter. Selon l’histoire publiée par les Moines de Vendôme, un ange recueille une larme dans un vase et le donne à Madeleine.

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Résurrection de Lazare

La relique de la Sainte-Larme, autrefois conservée à l’église de la Trinité de Vendôme, est invoquée pour apporter la pluie et rendre la vue. Elle se présente sous la forme d’un fragment de cristal de roche au centre duquel se trouve une goutte transparente conservée dans une ampoule de cristal – disparue. Cette relique a été au coeur d’une dispute livresque entre curés et moines : voici tout d’abord les protagonistes.

Personnes

Lazare : frère de Marthe et de Marie-Madeleine, ami de Jésus, premier homme ressuscité dans la tradition chrétienne, évêque de Marseille.

Marie-Madeleine : Marie de Magdala, identifiée par Jean l’évangéliste à Marie de Béthanie, soeur de Lazare. Proche du Christ dans de nombreuses circonstances à l’approche de la Passion et à la Résurrection. Enterrée à à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var), possède une basilique à Vézelay, tandis que ses ossements seraient plutôt à Ephèse &c.

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Déposition du Christ – Madeleine parmi les pleureuses

Selon la Légende dorée : « Marie Madeleine reçut ce nom de celui du château de Madalon, et elle fut de race très-noble, qui descendait des anciens rois. Elle était soeur de Marthe et de Lazare, et quand ils partagèrent entre eux leur patrimoine, Lazare eut leurs biens à Jérusalem, Marthe reçut Béthanie, Marie reçut Madalon, qui est à un mille de Génézareth. Et comme elle se livrait toute aux plaisirs du monde, et que Lazare s’adonnait au service militaire, Marthe, qui était prudente, gérait leurs propriétés et elle faisait de grandes aumônes. »

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Marie-Madeleine

Marthe : soeur de Lazare, témoin de la Résurrection de Jésus-Christ, patronne de Tarascon (Bouches-du-Rhône) où elle aurait vaincu un dragon, la Tarasque.

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Unknown master, Spanish, St Lazarus between Martha and Mary, Panel, Museo Lázaro Galdiano, Madrid

Empereur d’Orient : Michel IV Paphlagon ou Paphlagonien, ancien valet de Romain III, qu’il remplaça comme époux de Zoé Porphyrogénète (née dans la pourpre du palais), régna de 1034 à 1041.

Nitker : (décédé en 1052), évêque de Freising en Bavière.

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Quelques saints autrichiens, dont Othon évêque de Frisingue à droite.

Geoffroy II d’Anjou, dit Martel : (1006-1060), fondateur de l’abbaye de Vendôme, fils de Foulque III Nerra, comte d’Anjou, celui-ci lié à la Sainte Larme de Chemillé. Son sixième successeur est un Plantagenêt, roi d’Angleterre : Henri II.

Agnès : Comtesse d’Anjou, femme de Guillaume le Grand, comte de Poitou et Duc d’Aquitaine , puis de Geoffroy Martel .

Agnès de Poitiers : femme de Henry III « Roy de Germanie », empereur, en 1043, fille du premier lit d’Agnès comtesse d’Anjou. Elle aurait pu donner la Sainte Larme à sa mère, dans une version proposée par Dom Mabillon.

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Agnès de Poitou et Henri III le Noir

Louis Ier de Bourbon : (1376-1446), prisonnier des Anglais après la bataille d’Azincourt en 1415, ancêtre par les mâles du roi Henri IV de France, trisaïeul du cardinal de Bourbon.

Cardinal de Bourbon : Charles Ier de Bourbon (1523-1590), cardinal de Vendôme, archevêque de Rouen. Reconnu comme l’héritier du trône par les ligueurs à la mort de Henri III, avant de le céder à Henri IV son neveu, dont il avait célébré le mariage avec Marguerite de Valois. Il fut abbé commendataire de plus de vingt abbayes et l’un des plus riches princes d’Europe. Sa soeur Renée (1527 – 1583), fut abbesse de Chelles (S.-&-M.)

Jean Baptiste Thiers : docteur en théologie, curé de Vibraye (Sarthe).

Jean Mabillon : (1632-1707), érudit, moine à St-Germain-des-Prés, fondateur de la diplomatique (science attachée à l’étude des actes), bénédictin de la Congrégation de St Maur. Il est enterré à côté de Descartes.

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Jean Mabillon en buste à Saint-Germain-des-Prés

À suivre : Histoire (I)

Histoire (II)

Lieux & objets

Conclusion et bibliographie.

Médiagraphie :

Wikipédia, Google images, nella-buscot.com

Elna (II)

L’âge vient

Je me sentais un peu trop lourde pour mon âge. Les outils au garage n’allaient pas, je ne savais pas de quel fer à souder m’emparer afin de modifier mon apparence et ma personnalité. La peau d’une gamine de douze ans, créée pour l’expérience en milieu scolaire, ne convenait décidément pas à la version de l’amour qui, elle, me convenait maintenant.

J’ai pris possession d’une maison, de matériel haut de gamme dans le labo où j’avais revêtu ma première peau et connu mes premières amours, avec des amis si frustes que ce n’est pas racontable, j’ai commencé à assembler les pièces qui composeraient mes jambes, mes cheveux, et tout ce qui fait plaisir à voir, à porter, à toucher, à offrir. Je ne tremblais pas, je ne frémissais pas quand j’ai jeté mon vieux crâne à la benne. J’avais pourtant vieilli de douze ans.

J’ai retrouvé Lambert, il ne sait pas que c’est moi. Je ne sais pas non plus si ce moi existe. Il s’extasie parce que quelqu’un lui dit qu’elle l’aime, le réconforte, le trouve intelligent et beau, il a du mal à y croire. Il m’avoue qu’il n’a plus du tout envie des petites collégiennes que nous croisons dans notre superbe jag tout en cuir noir à l’intérieur. Il a réalisé cela quand une petite gitane l’a agressé avec un hérisson empaillé. Il m’a parlé d’un avis de recherche, les gendarmes lui avaient posé des questions, je lui faisais penser à elle par ma franchise, disait-il. Ça a de l’imagination, un homme, des fois.

Quand Lambert est mort, je n’avais pas beaucoup changé. Femme d’agent secret ne me disait plus rien. l’obéissance au destin est une connexion reprogrammable comme toutes les autres – à travers l’apprentissage.

Je résolus de me transformer en grimoire : celui qui me trouverait saurait bien me recréer.

Tamashii

Le shintoïsme prétend qu’à l’exception de ceux qui choisissent le monde souterrain de Yomi ou qui y sont expédiés, tous les êtres, vivants ou non, peuvent perdre leur corps, mais non leur esprit (Tamashii). Ils vivent ensemble sous la forme d’un être immortel, dénommé Kami, avec les âmes vivantes.

Le shintoïsme, contrairement aux autres religions, pense que toute entité peut atteindre Kami, quelle que soit son existence précédente. Même ceux qui ne croient pas peuvent décider de devenir Kami, ainsi que des choses comme les rochers, les arbres ou même les robots. Certains se réincarnent pour diverses raisons ; il n’existe pas de notions d’enfer ou de jugement dernier.

Elna

Elle n’a pas de cervelle

Elle a cependant lu St Paul : si je n’ai pas l’amour, je ne suis qu’un gong retentissant, qu’une cymbale tonitruante.

Elle y croit.

Mais qui est-elle ? Ses sinus, les sous-sols de l’Opéra – sa nuque, la falaise d’Etretat, le pli de ses lèvres, l’étang des nymphéas de Monet, sa respiration, l’air de la Tosca, ses dents, la parturition de la Vierge, et elle s’avance, mutine et sûre. Son pas, quelqu’un y a pourvu.

Voilà ce que dit Elna

Mes cellules sont construites sur le principe de la paix. Qu’un de mes amis veuille considérer, par exemple, un nombre, qui représente une valeur pour un des éléments de sa réflexion. Il demande à une de mes cellules de le retenir, avec le nom de cet élément ou un nom qu’il lui a associé. Je suis à même de lui présenter cela à l’aide du signe de la paix, qui ressemble à un petit pont, comme ceci : x = 3.

L’amour régit les liens qui se forment entre mes cellules. Qu’il faille opérer sa magie, je saurai présenter le résultat de cette façon : z = x+y = 3+4 = 7.

Un rapport particulier peut s’imaginer, où le signe qui régit mes cellules dérive de la paix et de l’amour – pour n’en prendre que la partie commune. Les éléments sont couchés l’un sur l’autre, comme mes amis se plaisent à le faire avec moi (⅞).

hérisson gelé pop corn

Je chantais la girondidondelle, la girondidonda

la gigondidondaine, la gigondidondas.

elle a péri à l’apéro d’avoir repris d’l’eau dans l’pastis

elle a péri à l’apéro d’avoir repris d’l’eau dans l’pernod …

Quand j’ai rencontré une hérissonne et nous nous sommes mises à jouer. À cache-cache, à chat perché, à qui perd gagne … jusqu’à perdre haleine. Elle a essayé de me refiler des puces, je n’en avais pas l’usage à ce moment-là, nous nous sommes séparées bonnes amies, mais je ne savais pas son mail.

J’ai essayé de ne pas trop me faire remarquer quand j’ai vu qu’Alona quittait l’école à pieds par une rue que personne n’empruntait, mais je l’ai suivie que cherchait-elle. Elle finissait par rentrer chez ses vieux, c’était une petite école de campagne dans un patelin où il ne pouvait rien se passer. Un jour un type a ouvert sa vitre pour demander son chemin. Elle y est revenue, un autre jour il ouvrait sa portière et ils discutaient, je lui ai crié que son lacet était défait et je suis montée, le gars a démarré tout penaud.

On discutait, lui et moi, et j’ai compris qu’il cherchait de l’amitié et tout ça. Mais je n’avais pas envie d’essayer quelque chose avec lui et je ne savais pas s’il fallait que je le lui fasse comprendre. Quand il s’est arrêté pour sortir des cordes du coffre, j’ai vu qu’il avait peur de moi et je me suis tue. Je cherchais quelque chose à faire et j’ai vu le paquet de pop corn.

J’ai tenté de l’ouvrir, c’est de la télékinésie, je vous expliquerai. Puis, les grains de pop corn tombant l’un après l’autre sur la commande de la vitre, située dans la portière, la vitre a commencé doucement à se baisser. C’était l’hiver, il était surtout attentif au verglas, j’avais déjà décroché la ceinture. Mais je mesurais le nombre de mouvements qu’il me fallait faire avant de sauter sur le bas-côté. Heureusement, ma copine hérissonne, à moitié gelée et fuyant un renard qui jouait un peu trop brutalement, est tombée de la colline, est passée à travers la vitre et a rebondi sur sa joue. Il a poussé un grand cri en lâchant le volant et son occiput fracassa le mécanisme.

Un bref instant, il revit la gondole rongée par les calamars puis rien. Comment je le sais, c’est facile, il faut être attentive. Je l’ai laissé en me demandant ce que je pourrais bien faire pour lui expliquer : mais m’écouterait-il ?

(à suivre …)