Inspiré par cette réflexion d’un collectif éponyme : « Une personne a achevé sa déséducation lorsque plus rien ne l’étonne, pas même un ciel étoilé ; lorsque plus rien ne l’indigne, pas même les guerres et les famines ; lorsqu’elle trouve que tout est normal, même l’intoxication de l’air que nous respirons. »
Nous ne sommes pas conscients de ce qu’est le monde. Nous croyons nous en former une idée parce que nous recevons des informations d’un réseau qui prétend l’enserrer. Nous ne réalisons pas ce que ce réseau, ces informations, la liste des pays, des fleuves et des villes, les organismes internationaux et leurs missions, les événements, scrutins, matchs et catastrophes ont de pertinent, ou non, à la connaissance de ce qu’est le monde. À peine nous faisons-nous une idée des possibilités de l’espèce humaine, qui n’ont rien de si extraordinaires quand on voit les couches successives de savoir et de technique dont elle s’entoure.
La somme des informations reçues jour après jour ne nous laisse pas une impression de satiété, elle nous frustre et nous nous indignons de constater qu’objectivement rien ne marche comme il faut et que les hommes et les sociétés ne font rien. En sommes-nous si sûrs ? Une colère rentrée fait place à une peur diffuse, nous avons quelque chose à nous reprocher car nous n’avons rien fait pour le sort des femmes de ce pays de guerre et de misère dont on nous parlait tantôt. Quant au sort de la planète, c’est une autre sorte de panique qui tétanise nos bonnes volontés.
Un vieux film, une bonne course dans la fraîcheur du matin sont capables de nous faire oublier tout cela. À quoi bon cette angoisse, et ces larmes même pas versées, sinon en pensée, pour des causes qui devaient nous toucher ? Cela doit nous étonner et nous émerveiller de constater que le soleil tourne encore, que l’aube est toujours aussi claire, que les enfants n’ont pas peur alors qu’il ne savent pas tout. Oui, il faut s’indigner, il faut agir, mais où et quand ?
Peut-être d’abord faut-il prendre le temps de comprendre, dans notre cœur, qui nous sommes et ce que sont nos proches pour nous, avant de vouloir aider la planète, sans espoir qu’elle le sache même un jour car nous n’en avons pas le pouvoir. Ce qu’est, ce que peut, ce que subit, ressent, devient le monde nous échappe totalement et ce ne sont pas les multiples informations, contradictoires ou orientées on ne sait trop comment, qui nous le diront.