En courant après les tortues (II)

Retour au port de Vénus.

Port-Vendres, déjà cité, offre l’un des derniers ou des plus aboutis parmi les monuments supportés par des tortues. L’ensemble est décrit ci-dessous.

IMG-20160825-WA0001

« F. Arago, le « Point zéro » et l’obélisque de Port-Vendres

Suivant le désir d’abolir les privilèges en 1790 sur décret de l’Assemblée Constituante et après avoir fait le choix du système métrique pour remplacer les anciennes mesures, François Arago se devait de choisir un lieu pour fixer l’origine des nouveaux calculs du nivellement de la France.

Originaire d’Estagel, il connaissait l’existence de la ville nouvelle de Port-Vendres et des travaux qui y étaient menés par les ingénieurs du Génie, dès 1773, pour la création du port.

Il porta donc son choix naturellement sur ce lieu.

C’est dans l’axe du bassin, au niveau moyen des marées de la Méditerranée que fut placé un macaron de bronze, repère géodésique, fixant le point zéro.

Pour faciliter l’arpentage, ce point a été reporté sur la partie gauche du socle de l’Obélisque faisant face au bassin du port.

Actuellement la mire (échelle de géomètre) gravée dans le marbre rose avec ses chiffres à lire à l’envers) est toujours visible. Seuls les restes de la dorure sont effacés à la suite d’un ponçage malheureux de la pierre. Le macaron de bronze du bassin a sans doute disparu lors du minage des quais en 1944.

Ainsi le premier nivellement général de la France, en système métrique, a-t-il comme origine, par la volonté de François Arago, le repère dans l’axe du bassin, maintenant devenu le vieux port de pêche de Port-Vendres et son report sur le socle de l’Obélisque ornant l’ancienne place Royale.

En 1780 débute la réalisation d’un monument à la gloire du Roi Louis XVI sous l’égide de Charles de Wailly, architecte du Roi.

Quatre bas-reliefs, sur le socle de l’obélisque, illustrent les quatre actions maîtresses du règne de Louis XVI :

1. La liberté de commerce

2. L’abolition de la servitude

La reconstruction de la marine

4. L’Amérique indépendante

.     2

1         3

.    4

Vous êtes ici

Le quatrième représente le bateau du roi, le Terrible, arrivant à Falmouth, Massachusetts, le 13 Avril 1778, pour y apporter les copies du traité d’alliance et du traité d’amitié et de commerce élaborés et signés à Paris le 06 Février 1778. Ces traités furent ensuite ratifiés par le congrès Américain le 01 Mai 1778. »

IMG-20160825-WA0000

L’obélisque de Port-Vendres, supporté par quatre tortues

IMG-20160825-WA0005IMG-20160825-WA0004IMG-20160825-WA0003IMG-20160825-WA0002

Les quatre bas-reliefs de l’obélisque (Amérique – servitude – liberté – marine)

Enfin le dessin lui-même de l’obélisque, surmonté d’un globe, est particulier, même s’il rappelle l’obélisque à l’éléphant du Bernin à Rome, ou cette construction quasi improbable :

concert

concert par Vicentin via wga.hu

P.S. : dans la présentation de l’oeuvre de Terry Pratchett :

« Les Annales du Disque-monde, série la plus connue de Pratchett, présentent un univers de fantasy humoristique et parodique dans lequel l’action se déroule sur un monde en forme de disque (le Disque-monde), supporté par quatre éléphants reposant eux-mêmes sur le dos de la tortue géante A’Tuin qui voyage sans fin à travers le cosmos »

psm_v10_d562_the_hindoo_earth

The hindoo earth via l’irremplaçable Wikipédia

On est en prise directe avec ce qui semble être l’origine du symbole, la tortue de l’hindouisme qui, à la manière d’Atlas pour les civilisations méditerranéennes, soutient le monde.

6243515-9329382

Temple de Vadakkunnatha (Shiva) à Thrissur.  Le mât du temple repose sur une tortue, qui se nomme Kurma dans la mythologie hindoue (via vidya.tour.com)

Re – P.S. Voir aussi : quatre tortues célèbres.

Et il en reste encore :

tumblr_of5olkcnuf1qzu9eso1_1280

tumblr_oqun3apyzn1ru322to1_1280

– Rudra Shiva of Tala A Great example of Composite art. Tala village, Chhattisgarh, India (via Twitter: Anuradha Goyal and hegel-who.tumblr.com)

  • Suite des post scriptums :

En Chine, le terme à chercher pour les tortues piédestals est : bixi.

1280px-sifangcheng_bixi_-_p1060394

– Inside the Sifangcheng Pavilion of Ming Xiaoling. The great bixi tortoise, holding the Shendong Shengde stele honoring of the Hongwu Emperor. (via Wikimedia commons)

« Bìxì (chinois simplifié : 赑屃 ; chinois traditionnel : 贔屭 ; pinyin : vìxì) est, dans la mythologie chinoise d’origine taoïste, un dragon en forme de tortue d’une très grande force et ayant une affinité pour l’écriture. On le retrouve dans le monde chinois (Chine, Corée, Japon, Mongolie, Vietnam), sur le piédestal de grandes stèles comportant quelques mots. Il est un des neuf fils du dragon. » (via fr.wikipedia.org/wiki/Bìxì)

L’art topiaire semble s’y mettre dans ce tableau où le sujet est au second plan :

christ_atopiai

– Aertsen, Pieter, Christ and the Adulteress, 1559, Oil on wood, 122 x 177 cm, Städelsches Kunstinstitut, Frankfurt

Le buisson à droite est taillé de manière à suggérer quatre supports d’angle, à l’image de nos mythiques tortues, ce qui, quant à la structure qu’on imagine pour un arbuste, est dérangeant. Ou est-ce un obélique couvert de lierre ? Quand au Christ avec la femme adultère et les accusateurs, ils sont relégués au fond de la place du marché.

En courant après les tortues (III)