Cage & co.

Il faut relire les surréalistes et le mouvement OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle) avec Raymond Queneau. Cherchez « S+7 » et amusez-vous bien!

McNaughton
McNaughton

La question du poème parfait se rencontre encore et encore. Si un jour je produis ce poème parfait, je sens que ce sera dû à la perfection de mon état. Que je sois amoureux, ou amoureux du temps qu’il fait, ou des oiseaux et des arbres, ou de la table qui m’attend … Alors une recette pour produire quelque chose de différent, de surprenant, est aussi une méthode qui devrait nous aider à se sentir meilleur, à ressentir le meilleur en nous. Ce n’est qu’alors qu’il faut écrire.
Dada et les surréalistes semblent avoir été sur le point d’abandonner la construction classique. Mais il en subsiste un soupçon, peut-être du fait du contexte de leur formation. Ils avaient l’habitude du synopsis, de l’histoire, des techniques de narration qu’on observe dans le poème classique, avec un début, un développement ordonné en épisodes, une fin.
John Cage, (bien plus tard), expérimente du nouveau et crée. Arrive un point de vue plein de données, de procédures, de contraintes apparemment désespérées afin d’éviter les décisions égoïstes : Boum, le poème surgit et chacun de s’éberluer.
Que nous offrira la modernité de 2050 ? Est-ce que nous comprendrons et apprécierons ? c’est le point à garder, sinon, on n’a que des jeux stériles.

Mon opinion est que les Misérables et Moby Dick se liraient franchement mieux si on les faisait passer par un filtre pour condenser l’histoire. Dans le processus, quelques détails seraient mis de côté. Je donnerai au monde un « Les Miséroïds » et une « Baleine qui traîne par là-bas » et dirai à Hugo et Melville : je vous ai compris.
Pour être plus sérieux, nous ne sommes pas des nains assis sur les rayonnages des géants, qui tentons de filtrer leur production pour en extraire la substantifique moëlle. Cage a vraiment créé du nouveau, il a dit « salut et merci » aux anciens : salut, j’aime ton poème et merci, cela m’a donné de quoi en faire un nouveau.

victoria station (on tumblr)
victoria station (on tumblr)

Ami, quand tu écris « ce n’est pas ce que j’attendais » en te relisant … tu es tout proche du sens le plus vrai du mot création. Qui, crois-tu, vit, pense, crée et se meut dans ta tête, dans ton cœur ? Est-ce toi ? Est-ce ton « moi » si habituel ? Il y a ici une preuve légère (les preuves dures appartiennent aux sciences dures) : tu n’est pas que ce à quoi tu t’attends.

poètes sacrés
Avec Cage et d’autres, on a des poètes qui semblent pratiquer des méthodes relevant de la gématrie, bien que faisant autre chose qu’additionner des lettres, ils tentent d’extraire des vérités secrètes du texte de départ. C’est là qu’on peut affirmer que l’expérience poétique est de nature mystique, ou du moins une occupation sacrée.
D’un autre côté, l’évolution de la poésie renoue avec le sacré à travers la performance – celle des prêtres, devins, oracles, comédiens, pythies, poètes lyriques d’autrefois, tous conduits par une divinité, un génie. Et parfois ils devaient être bien en peine de découvrir le sens de leurs dires ; et parfois les gens reconnaissaient l’authenticité de leur inspiration. Qu’en dites-vous ?

nos catégories

no cat
no cat

Nos catégories sont inaptes à accueillir ces paysages calligraphiés. Ce n’est pas réaliste, pas impressionniste, encore moins abstrait ; pas onirique comme l’ont tenté les surréalistes, ni caricatural. Matisse a essayé un peu de cette juste dissemblance.
Quelque chose de l’ordre du réel transparaît, non pas dans la froide description d’un concept, mais dans un exemple à imiter : la distance juste des plans, la texture efficace … Je ne vois que dans cet exercice d’imitation la possibilité d’accéder à ce réel, guidé par une technique et non pas seulement par des mots. (via methodood.tumblr.com)

vidons nos tiroirs !

Je me demande ce qui fait que les textes et représentations alchimiques ont connu un maximum relatif à telle époque, suivi, peut-être, d’une désaffection sous l’empire des Lumières. Et le sens de leur retour à la mode aujourd’hui.
Le problème pour aborder ces éléments est de reconnaître nos catégories et de se demander si les auteurs avaient les mêmes. On peut lire ou traduire les textes et gloser sur leur sens et celui des illustrations. Mais on a tendance à y mettre ce qu’on attend, je cite un alchimiste moderne :
– soit un présupposé opératif : « Les bras qui portent le Lapis évoquent ces deux parties principales de l’Opus : la dissolution et la coagulation »,
– soit un symbole banal : « au cours du processus d’Albedo ; cette période est une pleine collaboration entre les deux polarités que sont l’inconscient et le conscient. »

splendor solis via bl.uk
splendor solis via bl.uk ; cliquer

De plus, ne se baser que sur l’interprétation d’une illustration en oubliant le texte c’est, au mieux, un peu léger. L’archéologie se nourrit exclusivement d’archives, de traces / textes du passé et Foucault a enseigné qu’il n’était pas toujours souhaitable de sélectionner telle trace au détriment d’autres éléments.
Encore faut-il entrer dans le texte.

sple.sol.
sple.sol.

amortissons limon
assommions liront
isolons marmitons
lirons sommations
mitrons somnolais
monts moralisions
moralisons timons
mots normalisions
saliront sommions

Source : http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=harley_ms_3469_fs001r
Voir : aqua-permanens.blogspot.fr/?view=snapshot
et : http://www.laurielipton.com/commissions/

My secret flag

Mon drapeau secret
Par Rachel Loden

Quel géant je dois leur sembler, un géant qui sommeille épuisé sur sa couture.
Endormie au mitan d’un point, faisant le tri de la livraison de cendres, de rubis et de douleurs de la journée –
Ils riaient et portaient, leurs minuscules aiguilles d’argent volant dessus et dessous, de minuscules dés d’argent aux doigts.
Il ne sert à rien, bien sûr, de leur cacher des secrets, quand le bavardage est presque leur religion.

Certains tenaient des coins du drapeau comme un énorme édredon, et certains dansaient sur les petites étagères au-dessus de l’atelier.
Ils étaient si joyeux que je me rendormis.
Dans la matinée, mon beau drapeau était terminé, chaque point en place avec toutes les coutures.
Alors maintenant, je le hisse – lentement, sous un ciel secret.
Près de la porte de la semi-folie et du berceau de la kleptocratie.
Où il se froisse et frissonne, se froisse et frissonne, sans cesse
Ce qui me rend furieusement heureuse et me remplit d’un grave plaisir.

Réparer le mur

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Réparer le mur
Robert Frost

Il y a quelque chose ici qui n’aime pas les murs
Qui va faire gonfler le sol gelé par en-dessous
Afin que les pierres du dessus s’éboulent au soleil
Et enfin on a des brèches où on peut passer à deux de front.
Quand ce sont des chasseurs, c’est autre chose :
J’ai eu à passer après eux et réparer
Quand ils démolissent tout pierre à pierre
Mais ils font ça pour débusquer le lapin,
Pour faire plaisir aux chiens qui glapissent. Les brèches dont je parle,
Personne ne les a vu ni entendu faire
Mais quand vient le moment de réparer au printemps elles sont là.
Je le fais savoir à mon voisin derrière la colline ;
On se retrouve un jour pour faire le tour
Et remettre ce mur entre nous.
Nous gardons chacun notre côté en marchant.
À chacun les pierres qui sont de son côté.
Il y a des moellons et il y en a comme des ballons
au point qu’il faut user d’un sortilège pour qu’elles tiennent :
« Restez où vous êtes jusqu’à ce qu’on ait tourné le dos! »
On s’use bien les doigts à les manier
C’est juste un jeu d’extérieur
chacun de son côté. Et même un peu plus :
Là où il se dresse, le mur ne sert à rien :
Lui n’a que des pins et moi, un verger de pommiers.
Mes pommiers n’iront jamais traverser
Pour manger les pommes de pin sous ses pins, je lui dis.
Il se contente de dire “Les bonnes clôtures font les bons voisins”.
Le printemps me rend malicieux, et je me demande
Si je pourrais lui faire rentrer ça dans la tête :
« Pourquoi ça fait les bons voisins ? C’est vrai
Quand il y a du bétail ?
Mais ici on a pas de vaches.

La brèche de Roland à Gavarnie, versant Espagne via  albums mike » Dans les Pyrénnées - onlinehome.fr
La brèche de Roland à Gavarnie, versant Espagne via albums mike » Dans les Pyrénnées – onlinehome.fr

Avant de refaire un mur, je me demanderais
Qu’est-ce que j’enclos, qu’est-ce que je défends
Et qui je serais susceptible d’offenser.
Il y a quelque chose ici qui n’aime pas les murs,
Qui les met par terre”. Je pourrais lui dire “Ce sont les elfes”
Mais ce ne sont pas vraiment les elfes, et je préférerais
Que ce soit lui qui le dise. Je le vois là
Ramenant une pierre par le dessus
à deux mains, armé comme un sauvage de l’âge de pierre.
Il se meut dans une certaine obscurité qui, pour moi,
N’est pas due qu’à l’ombre des arbres.
Il n’ira pas plus loin que le dicton de son père
Et il est content d’y avoir pensé et repensé,
Il le redit, “Les bonnes clôtures font les bons voisins”.

un mooc d’enfer (6)

Un post sur ce que m’a apporté ce cours de poésie :

via veronik.ferry.tarots.over-blog.com
via veronik.ferry.tarots.over-blog.com

J’ai d’abord été ravi quand j’ai découvert la richesse de la poésie américaine.
J’ai réalisé que le monde est en effet beaucoup plus intéressant simplement parce que j’ai appris à essayer de lire de plus près. Comme on dit, les gens sont parfois accessibles en clair si vous essayez de décoder la forme et d’aller à l’essence.
Je me suis essayé à écrire de nouveau de la poésie et à traduire. Je me suis aussi convaincu qu’il existe une bonne approche de l’éthique et c’est la poésie qui m’y a conduit – merci à ceux-là qui m’y ont amené.

La langue devrait-elle être moins compréhensible ? Qu’est-ce qui se passe avec la poésie ?
Jamais autant de mots ont été autant entassés, jamais autant de nouvelles interprétations n’ont été trouvées de nos jours. Qu’advient-il de la langue ? Des gens – poètes ou non – se sont rendus compte que la langue est notre miroir et plus nous interrogeons plus nous nous connaissons. La poésie est un excellent moyen de le faire. D’accord, mais on rencontrera les incompréhensions tout au long du parcours.

Sam Birdwood Bice • on Pinterest : Wim Delvoye
Sam Birdwood Bice • on Pinterest : Wim Delvoye

La poésie au hasard est-elle athée ?
Je dirai que lorsque quelqu’un parle d’inspiration, il doit y avoir un certain esprit qui est présent. Nous avons changé notre regard quand nous avons vu que non seulement le contenu mais aussi le processus d’élaboration d’un poème est le résultat de l’inspiration, un acte créatif. Or, d’où nos pensées nous viennent-elles, est-ce au hasard dans nos réseaux de neurones, ça je ne sais pas.

La crue du temps (IV)

postface

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nous sommes incapables de nous représenter le temps et tout aussi incapables de communiquer efficacement notre rythme intérieur. sinon par des signes d’impatience ou de ce qui semble être de l’indifférence.
de même comment imaginer en quoi le rythme intérieur des autres diffère du nôtre : ne baignons-nous pas tous dans le même océan temporel ?

c’est là que se situe la frontière. vous avez rencontré des gens, quelques minutes, sympathisé avec eux, des années durant peut-être, et au bout d’un certain temps … ils ont disparu.
dans beaucoup de cas ce sont les impondérables de l’existence, c’est triste ou gai, mais il y a une explication ou bien on peut en supposer une.
dans d’autres cas, c’est autre chose : leur bulle de temps s’est posée infiniment près de la vôtre, l’illusion a été parfaite, et voilà que leur bulle repart infiniment plus loin qu’on ne peut l’imaginer. plus rien ne permet de l’atteindre sauf une invention du siècle.
la machine.

Voulez-vous l’essayer ? elle est basée sur les principes que nous venons d’esquisser :
1) le temps a accéléré depuis qu’il connaît les hommes, les entraînant non sans une certaine absence de désinvolture.
2) des personnes ou groupes de personnes disposent de la faculté, inconsciente la plupart du temps, d’échapper à cette crue.
3) cette machine a pas mal de points communs avec les paupières. elle suspend la furie du temps.

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Qui tente ces voyages dans le passé : un homme mûr, pour des raisons révolutionnaires, aidé par un vieillard qui a passé sa vie à y rêver. Ensemble, ils fabriquent des machines improbables, impossibles. Jules Verne n’y a pas même songé, l’utopie a ses limites, ici on touche le rêve, des yeux de reflets, l’ombre qui s’étend, rien de concret.

pour un voyage, il faut se donner un but, des étapes. Pas trop tard, étudier le trajet, le retour aussi. Collecter quelques objets nécessaires, les impedimenta.
Dans notre réalité, un voyage dans le temps suppose une transmission de la mémoire des événements, et des rêves se projetant dans l’avenir.
Préfiguré par les voyages initiatiques, et toujours relié à ceux-ci dans notre imagination, il se constitue avec le nouveau paradigme du progrès technique. Il est indissociable de l’horloge qui paraît offrir une certaine maîtrise. C’est ce même progrès qui, faisant levier sur le temps, en accélère la conscience.

Rien de plus inutile avec la machine, aussi inutile que le trac, les petites peurs. ce voyage n’est pas pour se dire des choses après, c’est parce qu’on a dit des paroles avant, elles ont alimenté le désir.

Non le désir de rétrograder à l’aide des mêmes outils techniques, de confirmer cette impression de maîtrise. ni ces implications sous-jacentes en termes de destinée de l’individu et du groupe social : réparer des scandales en se focalisant en un point de la chaîne des causes, en amont comme en aval ; effectuer ce voyage pour agrandir le territoire de l’expérience ; porter la bonne parole du groupe en des lieux et des temps où elle n’est pas entendue. de tels buts sont ineptes et mettent la machine en grève.

Il n’est pas de voyage sans but : ici le désir suffit.

La crue du temps (III)

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il existe beaucoup plus d’extra-terrestres qu’on ne le pense. de leurs deux yeux ronds au sommet de leur face ils nous photographient. Ils peinent à comprendre notre langage, et, s’ils lisent dans nos pensées, nous jugent esclaves : « ça n’avance pas … il faut que je fasse ci et ça … que je me dépêche … je n’aurai pas le temps ».
nos moeurs ne les intéressent qu’un temps et on les voit repartir un jour sans crier gare. si nous gardons l’espoir de leur retour c’est malgré eux.

Bonnie prince Charlie était l’un d’eux. des milliers de partisans le voulaient à leur tête lorsqu’il se pavanait dans les bals à Versailles, ils retinrent leur souffle lorsqu’il brisa sa claymore, son arme magique à la garde incrustée d’émeraudes, au bord du lac dont on ne prononce plus le nom.
il furent nombreux à y croire, à l’attendre, dans les moors il se disait qu’une armée se levait pour lui aux Amériques … il était déjà ailleurs, traître à la cause idiote qui porta son nom.

lorsque je l’ai rencontré, thanks to the machine, il venait d’arriver sur une planète peuplée uniquement de bisons, avec un groupe de cinéastes qui essayaient d’arrêter de fumer. son attitude laissait penser qu’il avait toujours vécu là, en même temps quelque chose de furtif dans son regard plaidait en faveur d’une absolue altérité. il était toujours étranger.

l’oncle de l’architecte du transporteur de containers et chimiquier russe « minéral débats » ressurgit des glaces dans un craquement de fin de match. il s’ébroue et nous parle de son pote Wladimir Illitch. personne ne le croit, Bonnie pas plus que les autres : chacun sait qu’un tyran est pressé de mourir. Toutes ces icônes du passé, celles qui sucent le sang de nos pensées, sont sur la déferlante de la crue. leur destin est semblable à celui, cruel, des étoiles géantes transformées en trous noirs, se ratatinant à jamais sans jamais disparaître.

Bellevue

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sous l’arbre à palabres discutaient les sages de mon village. C’était un village construit autour du fondouk, le palais des voyageurs des sables.
Le désir du fondouk a longtemps guidé l’humanité. Il y avait le grand et le petit fondouk, mais aussi le palefrenier de fondouk, le voleur de fondouk, le créateur de religions machistes, le changeur de monnaie qui opéraient dans son antre bénie. Maintenant …

… On en trouve de moins en moins de bons.
je te le concède, Baraka chérie, mais la légende perdure, devenant épopée, mythe, image du paradis. Le fondouk, c’est la belle qui sourit sous l’ombrage du dattier comme toi en ce moment, le petit singe qui surgit en faisant « houk ! houk ! », la source qui chante juste à côté, où viennent les oiseaux la chance croquer …

Cet oasis a enchanté nos coeurs.

La crue du temps (II)

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Ailleurs. il y a un truand comique qui martyrise un petit marchand de légumes sur une colline de Paris. on les rencontre à la dérobée, la boutique se cache sous une façade haussmannienne. on finit par voir comment ils s’insèrent dans ce monde : innocents ou truands, c’est tout comme, ils savent y faire et on ne les connaît pas. leur bulle, leur temps à eux, fait halte, des heures, des années, c’est pareil. des indices de ces rencontres, ce qui fait qu’elles diffèrent d’un rêve, il y en a : pièces de monnaie ovales, notes déchirées, &c. un fil donc y mène, il vous y a mené. qu’il se déchire, on perd le rythme, le décor.

planter des arbres, les laisser pousser.
Un bec-de-cane, une bouteille de gaz, bien grosse, une molette pour régler le radiateur, du verre dépoli, des géraniums, des fleurs, ne rien changer dans le café à côté de la boutique. Ainsi le temps s’arrête, rien ne presse pour des décennies. Rythme végétal, croissance immobile et lente, rien à rajouter. On sait, on croit voir, voir les temps passés, quand les arbres étaient jeunes, les routes de terre, le crépi des murs pas encore patiné.
Les feuilles mortes ont des siècles. Les vieux objets n’ont pas bougé … une mode s’est créée, un engouement pour ces vieux objets qui n’a pas de sens. un vain essai de retrouver quelque chose, ça n’a pas de sens.

To, le truand, me montre, derrière un grand mur avec chemin de ronde, un jardin sous la neige. Dans l’arrière-cour d’une épicerie d’arrondissement, serait-ce une des surprises dont les amoureux de Paris sont friands ? une illusion de nos sens abusés ? rien de tout cela. Ce mur est éternel, il ne sera, ni démoli, ni retrouvé. à moins de disposer de la machine avec sa magie.

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intemporels, des héros peuvent jouer ce rôle : ralentir le tout.
Charles-Hector est de ces compagnons fidèles. nous nous frappons les mains en cadence, nous le faisions il y a quarante ans. le qualifier, facile, épaules carrées, poitrine velue, tête basse, esprit fin et ouvert; rassurant, la brosse conquérante.

dans cette b.d. que j’ai lue, me dit-il, il y a les vivants, les morts, les morts-vivants et les gardiens du territoire des morts.
les vivants sont condamnés à mourir, les morts-vivants ne le peuvent mais le voudraient. ils boivent le sang des vivants qui deviennent ensuite comme eux.
il y a des vivants qui s’aiment. l’un d’eux a une histoire, quand il meurt il reste dans le territoire des vivants à cause de l’amour qui l’attache à ses proches. il s’en sort en échangeant auprès des gardiens la carte des passages vers le territoire des morts, que détenait un mort-vivant, contre son retour à la vie.

J’ai retenu que, mort, seuls les morts-vivants et les pellicules photo le voyaient. le masque qu’il revêtait incluait donc des vêtements invisibles, comme lui-même, pour les vivants.
ceci m’amène à me poser deux questions, l’une sur le masque que revêtent les anges, l’autre sur le nôtre.

La crue du temps ne peut que préfigurer une décrue , me dit un jour Charles-Hector.
Avec cette précision qu’encore moins de personnes en auront conscience : je prédis en effet qu’elle sera plus longue et graduelle que la crue, et moins sensible. sauf si on recommence à vivre très vieux.
Cette constante de l’âge exorbitant des grands ancêtres, des dieux, des patriarches comme Adam, Noé, est là pour indiquer ce qu’on a pu percevoir du premier mouvement de crue. La taille des monuments antiques, la durée des empires du passé sont d’autres indices.
ce mouvement du temps naît avec l’histoire de l’homme : outils, tombes, peintures, mégalithes. Dès lors les ponts se coupent avec les autres vivants, les vivants lents : arbres et animaux.

Comment le sait-il ? les animaux le savent-ils, est-ce que les arbres nous en parlent ? il ne répond pas, absorbé dans sa conversation avec une coccinelle.