BSV (III)

Brûler ses vaisseaux : again!

Il n’était pas souhaitable de reculer, de repartir, alors ils l’ont fait. C’est l’impératif : le voyage est fini. Voici quelques récits de conquérants, de voyageurs qui brulèrent leurs vaisseaux.

 – Conquête spatiale

La conquête spatiale par Kennedy : Engagez-vous, brûlez vos vaisseaux!

Et si les Etats-Unis ne s’étaient pas pleinement engagés sur l’objectif fixé par Kennedy ? La probabilité de défaillance aurait été augmentée de façon exponentielle. Kennedy le savait, et dans son discours au Congrès, il fit en sorte d’engager toutes les parties concernées. Kennedy déclara dans son discours :

« Qu’il soit clair, et c’est là un jugement que les membres du Congrès doivent enfin faire – qu’il soit clair que je demande au Congrès et au pays d’accepter un engagement ferme sur une nouvelle politique, qui devra durer de nombreuses années et entraîner des coûts très lourds: 531 millions de dollars durant l’exercice 1962 – de sept à neuf milliards de dollars supplémentaires au cours des cinq prochaines années. Si nous n’allons qu’à mi-chemin, ou si nous restreignons nos efforts face à la difficulté, à mon avis, il vaut mieux ne pas y aller du tout.

Concernant votre objectif de véritablement stimuler l’innovation nécessaire pour y arriver, vous devez vous engager totalement. Une méthode qui va vous aider à le faire est de brûler les vaisseaux. Quand Hernan Cortés emmena ses onze navires et six cents hommes dans la péninsule du Yucatan, ils se retrouvèrent dans un environnement hostile, et farouchement dépassés en nombre par l’empire aztèque … »

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– via futura-sciences

Kennedy suggéra ainsi que nous brûlions nos navires avec le programme spatial, en annonçant notre intention d’atteindre l’objectif au monde entier. Il déclara encore dans son discours au Congrès :

« Nous prenons un risque supplémentaire en le faisant à la vue du monde entier, mais comme le montre l’exploit de l’astronaute Shepard, ce même risque renforcera notre stature quand nous aurons réussi. »

« Premièrement, je crois que cette nation devrait s’engager à atteindre l’objectif, avant cette décennie, de poser un homme sur la lune et le ramener sain et sauf sur la terre. Aucun projet spatial dans cette période sera plus impressionnant pour l’humanité, ou plus important pour l’exploration à long terme de l’espace, et aucun ne sera aussi difficile ou coûteux à réaliser.

– via JFK, Message spécial au Congrès sur les besoins nationaux urgents, 25 mai 1961, http://www.jfklibrary.org/Historical+Resources

 – Tarik ibn Ziyad

Tarik ibn Ziyad est un commandant berbère ou persan qui a le premier mis le pied en Espagne, donnant son nom à Gibraltar (djebel Tarik, montagne de Tarik).

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– Gibraltar – Wikimedia commons

Autour de ce personnage considéré comme un héros dans le monde musulman gravitent bien des légendes. Ainsi, en arrivant sur la terre espagnole, il aurait fait brûler ses bateaux, déclarant à ses hommes : Oh gens !, où est l’échappatoire ? La mer est derrière vous et l’ennemi est devant vous, et vous n’avez, par Dieu, que la sincérité et la patience.

[selon http://www.fordham.edu/halsall/source/711Tarik1.html, cité par wikipédia]

Cette phrase légendaire, rapportée par Al Maqqari, se heurte aux sources qui indiquent une première expédition de sept mille hommes, suivie d’une deuxième expédition de cinq mille hommes puis enfin une troisième expédition de dix-huit mille hommes ce qui suppose plusieurs traversées du détroit.

 – Les Quarante-cinq

Alexandre Dumas raconte en passant, dans les Quarante-cinq, la résistance d’Anvers aux armées du Duc d’Anjou, frère de Henri III. Guillaume le Taciturne convainc les bourgeois d’incendier leurs vaisseaux pour détruire la flote française.

D’Anjou s’enfuiera pour se faire empoisonner, par vengeance, par Diane de Monsoreau qui pleure toujours Bussy, le compagnon qu’il avait fait assassiner.

– Mais leurs vaisseaux, leurs vaisseaux, dit le bourgmestre, ils vont forcer notre barrage ; et comme le vent est nord-ouest, ils seront au milieu de la ville dans deux heures.

– Vous avez vous-mêmes six vieux navires et trente barques à Sainte-Marie, c’est-à-dire à une lieue d’ici, n’est-ce pas ? C’est votre barricade maritime, c’est votre chaîne fermant l’Escaut.

– Oui, monseigneur, c’est cela même. Comment connaissez-vous tous ces détails ?

L’inconnu sourit.

– Je les connais, comme vous voyez, dit-il ; c’est là qu’est le sort de la bataille.

– Alors, dit le bourgmestre, il faut envoyer du renfort à nos braves marins.

– Au contraire, vous pouvez disposer encore de quatre cents hommes qui étaient là ; vingt hommes intelligents, braves et dévoués suffiront.

Les Anversois ouvrirent de grands yeux.

– Voulez-vous, dit l’inconnu, détruire la flotte française tout entière aux dépens de vos six vieux vaisseaux et de vos trente vieilles barques ?

– Hum ! firent les Anversois en se regardant, ils n’étaient pas déjà si vieux, nos vaisseaux, elles n’étaient pas déjà si vieilles, nos barques.

– Eh bien ! estimez-les, dit l’inconnu, et l’on vous en paiera la valeur.

– Voilà, dit tout bas le Taciturne à l’inconnu, les hommes contre lesquels j’ai chaque jour à lutter. Oh ! s’il n’y avait que les événements, je les eusse déjà surmontés.

– Voyons, messieurs, reprit l’inconnu en portant la main à son aumônière, qui regorgeait, comme nous l’avons dit, estimez, mais estimez vite ; vous allez être payés en traites sur vous-mêmes, j’espère que vous les trouverez bonnes.

– Monseigneur, dit le bourgmestre, après un instant de délibération avec les quarteniers, les dizainiers et les centeniers, nous sommes des commerçants et non des seigneurs ; il faut donc nous pardonner certaines hésitations, car notre âme, voyez-vous, n’est point en notre corps, mais en nos comptoirs. Cependant, il est certaines circonstances où, pour le bien général, nous savons faire des sacrifices. Disposez donc de nos barrages comme vous l’entendrez.

– Ma foi, monseigneur, dit le Taciturne, c’est affaire à vous. Il m’eût fallu six mois à moi pour obtenir ce que vous venez d’enlever en dix minutes.

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– Anvers

Tout à coup, et au moment où les porteurs de haches recevaient l’ordre de descendre pour rompre le barrage, une foule de grappins, jetés par des mains invisibles, vinrent se cramponner aux agrès des vaisseaux français.

Les Flamands prévenaient la manœuvre des Français et faisaient ce qu’ils allaient faire.

Joyeuse crut que ses ennemis lui offraient un combat acharné. Il l’accepta. Les grappins lancés de son côté lièrent par des nœuds de fer les bâtiments ennemis aux siens. Puis, saisissant une hache aux mains d’un matelot, il s’élança le premier sur celui des bâtiments qu’il retenait d’une plus sûre étreinte, en criant :

– À l’abordage ! à l’abordage !

Tout son équipage le suivit, officiers et matelots, en poussant le même cri que lui ; mais aucun cri ne répondit au sien, aucune force ne s’opposa à son agression.

Seulement on vit trois barques chargées d’hommes glissant silencieusement sur le fleuve, comme trois oiseaux de mer attardés.

Ces barques fuyaient à force de rames, les oiseaux s’éloignaient à tire-d’aile.

Les assaillants restaient immobiles sur ces bâtiments qu’ils venaient de conquérir sans lutte.

Il en était de même sur toute la ligne.

Tout à coup, Joyeuse entendit sous ses pieds un grondement sourd, et une odeur de souffre se répandit dans l’air.

Un éclair traversa son esprit ; il courut à une écoutille qu’il souleva : les entrailles du bâtiment brûlaient.

À l’instant, le cri : « Aux vaisseaux ! aux vaisseaux ! » retentit sur toute la ligne.

Chacun remonta plus précipitamment qu’il n’était descendu ; Joyeuse, descendu le premier, remonta le dernier.

Au moment où il atteignait la muraille de sa galère, la flamme faisait éclater le pont du bâtiment qu’il quittait.

Alors, comme de vingt volcans, s’élancèrent des flammes, chaque barque, chaque sloop, chaque bâtiment était un cratère ; la flotte française, d’un port plus considérable, semblait dominer un abîme de feu.

– A. Dumas, les Quarante-cinq

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