Croyance

« Je n’ai que cent un ans, cinq mois et un jour. »

« Je ne peux pas croire ça ! » dit Alice.

« Tu ne peux pas ? » dit la reine d’un ton apitoyé. « Essaye à nouveau : inspire longuement et ferme les yeux. »

Alice rit. « Il ne sert à rien d’essayer », dit-elle : « on ne peut pas croire des choses impossibles. »

« J’ose dire que tu n’as pas eu beaucoup d’entraînement », déclara la reine. « Quand j’avais ton âge, je le faisais toujours une demi-heure par jour. Pourquoi, parfois j’ai cru jusqu’à six choses impossibles avant le petit déjeuner. »

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– Lewis Carroll, Through the looking-glass

Toute pensée est faite en bonne partie d’un fond de croyances inépuisable et surtout inextirpable à la fois parce qu’en grande partie inconsciente et surtout parfaitement nécessaire. De toute éternité les croyances naissent et demeurent même si d’autres, au hasard de quelque circonstance imprévue, viennent les remplacer.

Les psychologues les décrivent : si je fais ceci cela plaira à mes nourriciers qui poursuivront leur oeuvre utile, celle de me nourrir. Les cadres des religions s’en emparent : le monde est régi par un système de jugements et de punitions ; les inquiets s’en délectent, tout le monde est méchant et spécialement pour moi. Les sages travaillent dessus et brodent sur une autre croyance, celle qu’il faut s’en débarrasser.

Dans cet état suspendu entre les faits et leur interprétation dictée par une idéologie, le ciment de la vie n’est autre que ce puissant amalgame de choses, tantôt incroyables, tantôt impossibles, toujours indémontrables, qui vient puissamment soutenir la science dans tout ce qu’elle offre comme failles béantes, évidences qu’elle ne sait même pas comment aborder. Pourquoi tu vis ? On peut pointer à l’infini les correspondances entre les interprétations des différents courants religieux à la surface du globe. Il y a de l’idée, ça oui. À part ça rien de convaincant, de ferme, si l’on n’a pas pris le parti de l’a priori correspondant à son propre déterminisme socio-culturel.

Aucun ne tire son épingle du jeu, ni celui à qui tout cela a été révélé, ni celui qui a eu accès à une intuition si forte que les mots qu’il en extirpe paraissent, pour la plupart, pur délire sournois et pour quelques adeptes nouvel évangile ; ni enfin celui qui se bouche les oreilles pour ne pas s’écouter et se convaincre de sa rationalité pure.

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Il y a aussi la question des entités, elle est souvent liée à trois périodes, la cosmogonie, les combats et enjeux relativement proches, quelques centaines d’années permettant de ne pas être contredit, et les fins dernières. On peut constater un ordonnancement parfait, parfois même une belle symétrie et souvent l’emploi de nombres récurrents en lien avec l’expérience quotidienne, ceux des éléments et points cardinaux, planètes et semaines, hiérarchies célestes, mois et signes du zodiaque, cartes du tarot.

Les entités se meuvent dans un décor onirique, avec des arrières-plans biographiques comme des attentes impératives pour la bonne conformation du cosmos. Chacune de leurs manifestations est d’une extrême importance sauchant qu’elles se déroulent sur les plans où il y a le moins possible de témoins.