L’arc-en-ciel, dieu sait qu’on s’en empare. L’antiquité grecque a vu dans sa personnification Iris, messagère des dieux et plus précisément de Héra. À ce titre elle apparaît plusieurs fois dans l’Iliade, tandis que, dans l’Odyssée, on voit plutôt Hermès, ange païen, se charger des messages. Iris revient dans l’Énéide, un classique latin, avec un épisode où elle entraîne les femmes à mettre le feu aux vaisseaux pour en finir avec l’errance.
– Iris Carrying the Water of the River Styx to Olympus for the Gods to Swear By, Guy Head, c. 1793 – Nelson-Atkins Museum of Art
– Altomonte, Bartolomeo, The Four Seasons Paying Homage to Chronos, c. 1737, Oil on canvas, 75 x 95 cm, Residenzgalerie, Salzburg
Les quatre Saisons rendent hommage au Temps tandis qu’Iris se prélasse sur son arc, posture reprise dans d’autres circonstances : voir le Jugement ci-dessous.
– Rubens, Peter Paul, Juno and Argus, c. 1611, Oil on canvas, 249 x 296 cm, Wallraf-Richartz-Museum, Cologne
Dans l’Ancien Testament, l’alliance, l’une des premières, est scellée avec Noé après le déluge avec le signe de l’arc-en-ciel qui suit quarante jours de pluie : « Tant que dure la terre, les semailles et les moissons, le froid et la chaleur, été, hiver, jour et nuit ne cesseront point ».
– Mosaic artist, Italian, Nave, centre aisle, south wall (detail), 1180s, Mosaic Cathedral, Monreale
Le signe de l’alliance est bien présent et on voit aussi Yahvé s’y asseoir ou s’y montrer.
– Mosaic artist, Italian, South barrel vault, west narthex (detail), 1215-35, Mosaic Basilica di San Marco, Venice
Ici les animaux sortent de l’arche sous le signe de l’arc-en-ciel.
Puis c’est un décor que ce météore, un attribut divin qui revient, tant dans le songe d’Ézéchiel, où c’est un synonyme de gloire, que, dans l’Apocalypse de Jean qui clôt le Nouveau Testament, d’abord pour entourer le trône dans le ciel, puis pour auréoler l’ange qui donne à manger un petit parchemin à l’auteur.
– Unknown master, German, Vision of St John the Evangelist, c. 1450, Oil on oak panel, 132,3 x 161,5 cm, Wallraf-Richartz-Museum, Cologne
– Memling, Hans, St John Altarpiece (right wing and detail), 1474-79, Oil on oak panel, 176 x 78,9 cm, Memlingmuseum, Sint-Janshospitaal, Bruges
– Romanesque painter, Catalan, Majestas Domini with Evangelists and Saints (detail), c. 1123, Fresco Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelona
La gloire irisée voit sa représentation tirer parfois vers la mandorle sans qu’on puisse dire s’il y a eu une dérivation. Ainsi dans cette transfiguration :
– Miniaturist, Greek, Transfiguration, 13th century, Manuscript (MS Ludwig II 5. 83.MB.69), J. Paul Getty Museum, Los Angeles
Ce genre de visions ou d’allégorie finit par faire tache d’huile. Résurrection, jugement dernier et couronnement de la Vierge y ont recours.
– Simone Camaldolese, Don, Gradual (Volume 2, folio 1v), 1390s, Tempera and gold on parchment, 540 x 390 mm (page size), Newberry Library, Chicago
– Giotto di Bondone, Last Judgment, 1306, Fresco, 1000 x 840 cm, Cappella Scrovegni (Arena Chapel), Padua
– Weyden, Rogier van der, The Last Judgment, Polyptych, 1446-52, Oil on wood, 215 x 560 cm, Musée de l’Hôtel-Dieu, Beaune
– Weyden, Rogier van der, The Last Judgment (détail)
L’arc-en-ciel sert de siège et le globe terrestre de repose-pieds.
– Memling, Hans, Last Judgment Triptych (open), 1467-71, Oil on wood, 221 x 161 cm (central), 223,5 x 72,5 cm (each wing), Muzeum Narodowe, Gdansk
À l’époque, on ne parlait pas de plagiat, tout juste d’hommage ou de citation.
– Coronation of Mary, fresco, Bergognone’ masterpiece (around 1515). It was painted in the apse of san Simpliciano in Milan (Picture by Giovanni Dall’Orto, March 25 2007.)
Dans cette fresque, ce sont des anges qui représentent les courbes colorées.
– Master of Moulins, The Moulins Triptych, 1498-99, Panel, 157 x 283 cm, Cathedral, Moulins
Dans le Bourbonnais, le Maître de Moulins a décidément opté pour la forme d’une meule.
Le thème revient pour souligner le tragique d’une scène ou d’un paysage. Le phénomène le plus couramment observé se limite à quelques couleurs, souvent fades, alignées en un demi-cercle, parfois un second venant se superposer, avec alors une bande en principe plus sombre entre les deux.
Le choix des couleurs varie avec la culture locale ou les exigences de l’artiste. Pour ceux qui étudient le phénomène, là où, dans l’azur ou grâce à un prisme, Newton en choisit sept pour des raisons numérologiques, Goethe privilégie le jaune lumineux et le bleu tirant vers le sombre.
– Veronese, Paolo, Mortal Man Guided to Divine Eternity, 1560-61, Fresco, Villa Barbaro, Maser
– Rubens, Peter Paul, Landscape with a Rainbow, 1632-35, Oil on canvas, 86 x 130 cm, The Hermitage, St. Petersburg
– Ruisdael, Jacob Isaackszon van, The Jewish Cemetery, c 1657, Oil on canvas, 141 x 183 cm, Institute of Arts, Detroit
– Vernet, Claude-Joseph, Coastal View with a Rainbow, 1749, Oil on canvas, 114 x 163 cm, Private collection
– Cats, Jacob, Autumn Landscape with Rainbow, 1779, Watercolour and pen, 334 x 415 mm, Rijksmuseum, Amsterdam
– Wright, Joseph, Landscape with Rainbow, c. 1795, Oil on canvas, 81 x 107 cm, Derby Museum and Art Gallery, Derby
– J.M.W.Turner, Rome, the Forum with a rainbow
– Markó, Károly the Elder, Italian Landscape with Viaduct and Rainbow, 1838, Oil on canvas, 75 x 100 cm, Private collection
– Church, Frederic Edwin, Niagara Falls, 1857, Oil n canvas, 108 x 230 cm, Corcoran Gallery of Art, Washington
Imaginer un cercle complet, comme les artistes reprenant des thèmes sacrés, semble plus facile que le visualiser : où faut-il se situer pour cela ?
(via HK : http://www.youtube.com/watch?v=d0KJ5sFVUxw)
Médiagraphie : wga.hu, Wikimedia commons
P.S. :
La gloire peut aussi évoluer vers le cercle du zodiaque :
– Perino del Vaga, The Fall of the Giants, 1531-33, Fresco, 640 x 920 cm, Palazzo dei Principe, Genoa
– Perino del Vaga, The Fall of the Giants (détail)
Dieu sait qu’on en a jamais fini avec un thème.
– Jacques Stella, Jugement de Pâris (via kecobe.tumblr.com)
Ce tableau fait saisir en quoi l’arc-en-ciel peut symboliser l’alliance avec la divinité. Le jugement de Pâris, pâtre troyen fils de roi et à qui Vénus destine la belle Hélène, est d’ordinaire montré avec le héros, son guide Hermès et les trois déesses en compétition. Ici, c’est toute l’Olympe – on peut s’amuser à reconnaître les dieux et déesses – et quelques supporters qui rappliquent à la faveur d’une éclaircie dans les cieux.
P.P.S.
Même quand on s’appelle Piccolomini, on peut bénéficier d’un bel arc-en-ciel princier.
– Pinturiccio, Enea Piccolomini Leaves for the Council of Basel, 1502-08, Fresco, Piccolomini Library, Duomo, Siena
Le mot de la fin ?
– Giotto di Bondone, Last Judgment (détails), 1306, Fresco, 1000 x 840 cm, Cappella Scrovegni (Arena Chapel), Padua
- Médiagraphie : Web gallery of arts wga.hu
P.S. – un éclairage ethnologique, avec le symbole de l’alliance déjà rencontré avec Noé :
« Pour les Baluba, le python participe de la nature divine, car il fut, sous la forme d’une créature de nature ambiguë, le maître des créatures avant que ce pouvoir ne fût confié à l’homme.
En effet, dans le mythe de la création, il est dit qu’ayant été à l’origine de la chute de l’homme, la créature à la nature ambiguë fut métamorphosée en deux serpents, l’un mâle, l’autre femelle, qui furent chassés du ciel en même temps que la terre. Lorsque la terre fut éloignée du ciel et leurs eaux séparées, une pluie diluvienne tomba sur la terre, perturbant tout ce qui y vivait. Les deux serpents, qui vivaient dans l’eau, émirent chacun un souffle dans l’air.
Les deux souffles se rencontrèrent et formèrent un arc-en-ciel. Celui-ci fit arrêter la pluie et tout rentra dans l’ordre. Depuis ce temps, par sa nature d’arc-en-ciel, le python est pour les Baluba le symbole de l’alliance entre les forces du ciel et celles de l’eau, de la paix et de l’union cosmique. » (via Regards éloignés : agoras.typepad.fr/regard_eloigne)
Re-P. S.
– Schinkel, Karl Friedrich, Gothic Cathedral with Imperial Palace, 1815, Oil on canvas, 94 x 140 cm, Nationalgalerie, Berlin