Mes aventures encyclopédiques

L’encyclopédie s’accorde avec un monde de savoir où la clôture prend trop de place. Je laisse aux autorités le soin de valider la somme inaboutie mais forcément limitée de ce savoir. Les autorités s’inquiètent cependant de qui prétendrait soudain juxtaposer deux parcelles de ce savoir de manière non conforme afin d’en faire sortir l’étincelle.

Le projet autoritaire, dictatorial, de notre monde universellement libéral, de notre internet idéalement complet, de l’encyclopédie en ligne qui y prétend à cet universel dément m’inquiète à son tour.

J’ai contribué à Wikipédia, l’encyclopédie libre et collaborative sur Internet, et l’une des premières réflexions que j’y ai livré dans les pages de discussions est la suivante : Diderot n’avait-il pas pour projet, en créant la première encyclopédie, d’introduire quelques idées subversives sur le pouvoir et la religion ? Alors même que l’un des mots d’ordre de ce nouveau projet était « pas de recherche personnelle ! des références validées par des autorités ! » La contradiction entre le projet des lumières et celui de mon siècle m’attristait un peu, je ne m’y résolvais pas.

Je crois maintenant que Diderot a fait naître le totalitarisme moderne en abattant l’ancien, où se mêlait encore un peu de spiritualité. Son projet n’était pas subversif, sinon du point de vue de l’ordre ancien, presque déjà mort.

Le mode d’administration de la vérité est ici celui de l’empire, où seul un nouvel empire plus puissant peut renverser le savoir établi et apporter ce qui ne peut être jugé que comme le mal : les notions de pouvoir, d’empire, de savoir absolu sont ainsi fortement liées au manichéisme du bien et du mal, du corps sacré de l’empire opposé à l’étranger impur.

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