Les mois et les jours

Le pornographe

Autrefois, quand j’étais marmot, J’avais la phobie des gros mots

Et si j’pensais « merde » tout bas, Je ne le disais pas

Mais, aujourd’hui que mon gagne-pain, C’est d’parler comme un turlupin

Je n’pense plus « merde », pardi, Mais je le dis

J’suis l’pornographe, Du phonographe

Le polisson, De la chanson

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Afin d’amuser la gal’rie, Je crache des gauloiseries

Des pleines bouches de mots crus, Tout à fait incongrus

Mais, en m’retrouvant seul sous mon toit, Dans ma psyché j’me montre au doigt

Et m’crie: « Va t’faire, homme incorrect, Voir par les Grecs »

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Tous les sam’dis j’vais à confesse, M’accuser d’avoir parlé d’fesses

Et j’promets ferme au marabout, De les mettre tabou

Mais, craignant, si je n’en parle plus, D’finir à l’Armée du Salut

Je r’mets bientôt sur le tapis, Les fesses impies

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Ma femme est, soit dit en passant, D’un naturel concupiscent

Qui l’incite à se coucher nue, Sous le premier venu

Mais, m’est-il permis, soyons sincères, D’en parler au café-concert

Sans dire qu’elle a, suraigu, Le feu au cul ?

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J’aurais sans doute du bonheur, Et peut-être la Croix d’Honneur

A chanter avec décorum, L’amour qui mène à Rome

Mais, mon ange m’a dit : « Turlututu, Chanter l’amour t’est défendu

S’il n’éclôt pas sur le destin, D’une putain »

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Et quand j’entonne, guilleret, A un patron de cabaret

Une adorable bucolique, Il est mélancolique

Et, me dit, la voix noyée de pleurs : « S’il vous plaît de chanter les fleurs

Qu’elles poussent au moins rue Blondel, Dans un bordel »

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Chaque soir avant le dîner, A mon balcon mettant le nez

Je contemple les bonnes gens, Dans le soleil couchant

Mais, n’me d’mandez pas d’chanter ça, si, Vous redoutez d’entendre ici

Que j’aime à voir, de mon balcon, Passer les cons

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Les bonnes âmes d’ici bas, Comptent ferme qu’à mon trépas

Satan va venir embrocher, Ce mort mal embouché

Mais, mais veuille le grand manitou, Pour qui le mot n’est rien du tout

Admettre en sa Jérusalem, A l’heure blême

Le pornographe, Du phonographe

Le polisson, De la chanson